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« Nos sols sont cartographiéspour optimiser notre marge »

Potentiel. Le Gaec de La Basse Eprunière a fortement réduit sa consommation d’engrais en modulant les doses selon le potentiel réel des sols au sein de chaque parcelle.

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Il attendait ça depuis des années et fut le premier adhérent de la coopérative Terrena à s’engager pour le service Fertilio e-RM, lancé en 2015. « Nos sols sont très hétérogènes, nous le constatons à la récolte, indique Éric Herillard, associé en charge des cultures au Gaec de La Basse Eprunière. Tous les cinq ans, nous faisions une analyse de sol par parcelle en ciblant les zones les plus faibles. Mais nous savions que ce n’était pas représentatif. »

Caractériser la diversité des sols

En effet, quand les agriculteurs se penchent sur le potentiel de leurs sols à l’aide du service Fertilio e-RM au cours de l’année 2016, pas moins de soixante-seize analyses sont réalisées sur l’ensemble du parcellaire afin de caractériser la diversité des sols, soit une pour 4 ha en moyenne.

La nouvelle prestation proposée par la coopérative Terrena consiste à délimiter les zones homogènes sur chaque parcelle grâce à la mesure de la résistivité électrique des sols. Il s’agit de la capacité d’un sol à ne pas conduire le courant électrique. Plus le sol est profond et le volume de terre important, plus le courant passe. En revanche, les particules grossières, les cailloux et les pierres le freinent. D’autres éléments influencent la résistivité électrique tels que l’humidité et la matière organique.

Une machine équipée de quatre trains de roues dentées parcourt les champs selon des lignes espacées de 12 m. Le premier train de roues envoie un courant électrique dans le sol, les trois autres le récupèrent afin de mesurer la résistivité à trois profondeurs (0,50 m, 1 m, 1,80 m). Ces données permettent d’établir une cartographie des zones de la parcelle où les profils de sol sont semblables. Des prélèvements à la tarière ciblés sont alors effectués par un pédologue afin de caractériser chaque profil d’un point de vue physique et chimique.

« 127 €/ha économisés sur la fertilisation »

Ainsi, sur la parcelle du Grand Sautraie d’une surface de 35 ha, où du maïs fourrage était cultivé sans irrigation en 2016, trois types de limons ont été identifiés : superficiel, demi-profond sur schistes, et profond sain. Sachant que la zone intermédiaire de limon demi-profond est restreinte, on passe sur la plupart de la parcelle d’un extrême à l’autre : du limon superficiel au limon profond, d’une réserve utile faible à très élevée, et de même pour la matière organique, le pH, ainsi que la plupart des éléments chimiques (P, K, magnésium, manganèse, cuivre, zinc et bore).

Le capteur de rendement sur l’ensileuse de l’ETA a mesuré en 2016 des tonnages variant de 7 à 21 t de MS/ha, pour un objectif de rendement moyen fixé à 12 t. « Notre objectif avec Fertilio e-RM est de valoriser les différentes zones de nos champs au maximum de leur potentiel, sans gaspiller d’intrants », explique Éric Herillard.

Conseiller en cultures de Terrena sur l’exploitation, Didier Barba a commencé à exploiter la cartographie du potentiel des sols pour affiner les préconisations pour la campagne 2016-2017. « En moyenne, les agriculteurs ont économisé 50 unités de phosphore par hectare, 46 unités de potassium et 440 unités de CaO (chaux), calcule-t-il. La fertilisation de cette campagne leur a coûté 173 €/ha, azote compris, contre 300 €/ha auparavant. »

En face de cette économie de 127 €/ha, le coût du service a été pour la première année de 94 €/ha, sachant qu’il doit s’amortir sur plusieurs années car le travail de caractérisation des sols est fait « à vie ». Le coût annuel du service pour la réalisation des cartes de conseil est pour sa part compris entre 14 et 16 €/ha.

« La modulation est aussi indispensable que la climatisation »

Bien entendu, pour tirer parti de telles cartes de conseil, l’exploitation doit être équipée de matériel de guidage et de modulation des doses. Les associés du Gaec avaient déjà fait le pas pour le pulvérisateur autoporté, le distributeur d’engrais et les deux semoirs. Ils ont investi 80 000 € en 2016 afin d’homogénéiser les quatre consoles de guidage RTK utilisées sur les trois tracteurs, le pulvérisateur et la moissonneuse-batteuse. Celle-ci est également dotée d’un capteur de rendement instantané. « Pour moi, ces options sont désormais aussi indispensables que la climatisation dans une voiture, confie Éric Herillard. Je ne me pose pas la question de leur surcoût, et j’amortis mon matériel en faisant de la prestation de services sur 350 ha. L’économie d’intrants et l’optimisation des rendements permises par le service Fertilio e-RM permet de relativiser le coût de la prestation. »

Pour le Gaec de La Basse Eprunière, le retour sur investissement s’est fait dès la première année. Cela n’est pas toujours le cas, et s’explique ici par l’habitude des agriculteurs de cibler leurs analyses de sol sur les zones les plus pauvres et de ne jamais faire d’impasse. Les économies réalisées sont donc forcément significatives, car auparavant, ils étaient toujours excédentaires en fertilisation.

« On aurait dit des tables ! »

En 2017, la parcelle Margot, de 30 ha, a été implantée en maïs fourrage avec un objectif de rendement de 14 t de MS/ha. Aucun apport de phosphore n’a été effectué, et la modulation des doses a permis de faire varier le potassium de 0 à 165 kg/ha et l’azote de 117 à 141 unités/ha. Sur une parcelle voisine de 4 ha nommée Diard, également cultivée en maïs fourrage, les doses de phosphore ont varié de 110 à 130 kg/ha et celles de potassium de 130 à 180 kg/ha.

La modulation de l’azote a été faite dès le premier apport et, au printemps, les champs de blé, orge et colza montraient une très grande homogénéité : « On aurait dit des tables ! » souligne Didier Barba. Les rendements moyens s’élèvent à 90 quintaux par hectare en blé, 83 q/ha en orge et 43 q/ha en colza (malgré la verticilliose), soit de bonnes performances en situation non irriguée dans le contexte de l’année.

Pour le maïs et le tournesol, les résultats seront sans doute plus mitigés en raison de la sécheresse qui a perturbé l’assimilation des éléments. Mais au moins, il n’y a pas eu de gaspillage d’intrants. Les prairies temporaires de ray-grass anglais ont elles aussi souffert du manque d’eau, mais les deux coupes d’ensilage et la troisième coupe en foin ont généré des stocks proches de la normale. « Nous n’avons pas de capteur de rendement sur l’autochargeuse », précise Éric Herillard.

À partir de 2018, l’éleveur modulera aussi ses doses de semis pour davantage d’économies, notamment en variétés hybrides.

Nathalie Tiers

© Nathalie Tiers - Éric Herillard (à gauche) et Didier Barba, son conseiller en cultures chez Terrena.

© N. T. - Équipement. Le semoir à maïs de 10 rangs Gaspardo et le semoir à céréales John Deere de 6 m sont équipés pour le guidage et la modulation des doses.N. T.

© N. T. - 4 buses. Le pulvérisateur autoporté Evrard Optispray de 30 m est équipé de 2 buses pour l’azote liquide, et 2 buses pour les produits phyto pour gérer facilement la modulation.N. T.

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